■ Giuseppe Ungaretti – Caïn ■
3 mars 2011 § Poster un commentaire
Il court sur les sables mythiques
Et son pas est léger.
Ô, berger des loups,
Tu as les dents de l’éclat fulgurant,
L’éclat qui perce nos jours.
Effrois, sursauts,
Relents des bois, cette main-là
écrase comme un rien les vieux chênes,
Tu es à l’image du cœur.
Et quand l’heure s’assombrit,
Es-tu ce corps frétillant
Parmi les arbres enchantés ?
Et lorsque d’envie tu exploses,
Le temps change, tu erres méfiant
Et de mon propre pas tu t’en vas.
Telle une source dans l’ombre, endors-toi !
Quand l’aube est encore furtive,
Cueillie seras-tu, âme,
Par une onde apaisée.
Âme, ne vais-je donc jamais savoir te calmer ?
Ne vais-je donc jamais voir dans la nuit du sang ?
Fille fouineuse de l’ennui,
Mémoire, mémoire inassouvie,
N’y a-t-il point de vent qui porte
Les nuages de ta cendre ?
Mes yeux seraient à nouveau chastes,
Je verrais le printemps éternel
Et, enfin éveillée,
Tu serais, ô, mémoire, fidèle.
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Texte : Giuseppe Ungaretti, “Caino”, Sentimento del tempo, Vallecchi, Firenze, 1933. Traduit de l’italien par Luiza Palanciuc.
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Image : Odilon Redon (1840-1916) – Caïn tuant Abel, dessin (mine de plomb, encre de Chine, plume, encre violette), Paris, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques.
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